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 Matching Mole et John Mayall à l'Olympia - Extra - N° 20 - juillet 1972





Pierre Jahiel.

15 mai : Matching Mole et John Mayall sur la même affiche, celle de l'Olympia.

Affiche apparemment insuffisante d'ailleurs, puisqu'on pouvait librement allumer une cigarette sans mettre le feu au voisin. L'entrée de Matching Mole permet d'emblée de noter deux choses.

D'abord que c'est bien l'ex-batteur-leader de Soft Machine, Robert Wyatt, qui s'apprête ce soir à jouer le même rôle ; ensuite, qu'il y a parmi les têtes inconnues, celle du pianiste électrique, vue il y a quelques mois avec ce remarquable groupe qu'est Nucleus, lors d'un mini-concert à l'espace Cardin. La musique sera du même esprit du début à la fin : énergique, torturée, électrifiée au dernier degré. L'influence de John Mac Laughlin est évidente bien qu'elle soit probablement involontaire. Malheureusement, là où ce dernier décolle irrémédiablemeiit avec derrière lui toute une salle, Matching Mole ne sait que proposer une musique artificielle (sans sens péjoratif) vis-à-vis de laquelle, comme tout ce qui est artificiel, le public est entièrement libre. Il ne peut accepter cette proposition qu'au prix d'un effort, et une bonne partie de l'Olympia y était assez peu disposée ce soir-là. Wyatt est un excellent batteur, bien qu'affligé de trop de failles, possédant trop de lacunes. Il ne suffit pas qu'il considère avoir donné « un de ses mauvais concerts » . Wyatt est quelqu'un qui a besoin d'être entouré, et peut-être aussi d'acquérir du professionnalisme, pour ne pas dire de - conscience professionnelle -. Si je peux me permettre de vider mon sac, ce serait bien, si possible, que le bassiste comprenne qu'il n'est pas dans la peau de Jack Bruce.




John Mayall a l'air d'avoir dix ans de moins. Il a même amené sa mère. La chère femme couve son bambin du regard pendant que Nancy (Mayall) tente laborieusement de faire des progrès en photographie. Le centre d'intérêt de tout ce petit monde a l'air de bonne humeur et n'oublie pas son public parisien, auquel il n'hésite pas à lancer trois douzaines d'astuces entre chaque morceau. Soyons larges : la musique, car c'est bien de cela qu'il s'agit, est meilleure que jamais. Les musiciens, tous des jazzmen, excepté Keef Hartley (batterie), sont de véritables spécialistes du feeling. La griffe « Mayall » reste la dominante des sonorités d'ensemble, mais jamais elle ne fut aussi bien dosée, à sa place. Ne parlons pas bien sûr de « Turning point », une tentative certainement plus originale et réussie de fusion entre Mayall et le jazz. Tentative qu'il a d'ailleurs proclamée comme appartenant au passé, alors que quelqu'un lui réclamait * Room to move ». Reste à savoir si ce quelqu'un avait fait le rapprochement entre les deux périodes ou s'il réclamait ce morceau comme on réclame « Mamy blue » à Joël Daydé. Mayall, quant à lui semble l'avoir compris dans le mauvais sens. Il a peut-être eu raison dans ce cas précis et c'est son expérience qui l'a fait parler. Sa vulnérabilité première fait qu'il considère définitivement avoir un public (français ou non) d'environ douze ans sur le plan moyenne d'âge, et qu'il a décidé de s'y adapter plus clairement pour tout le monde. Voilà qui est fait. En fin de compte, la qualité de la musique n'en souffre pas — ou presque — et c'est bien là le principal.


       
     
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