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 Soft Machine - machine molle qui tourne rond - Pop Music - N° 12 - 18 juin 1970





Hautbois, Chalumeaux, Cervelas, Grande Basse, Flageolet, Flûtes traversières, Grande Flûte, Petit Basson, Grand Basson, Triple Basson, Petits Cornets noirs, Cornets blancs aigus, Cors, Saquebutes, Trombones, Oliphons verts, Galoubets, Cornemuses, Bombardes, Timbales, Tambours, Grosse caisse, Grandes orgues.

Telle est la composition de l'orchestre (1) de la grande Machine Molle qui a pris son nom à William Burroughs (avec sa bénédiction) , un de ses titres (« Pataphisical Introduction) à Jarry et tout le reste à personne, le Machine Molle qui va ce soir, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs faire passer à la trappe ce qui peut vous rester dans le crâne de mélodies fuligineuses, d'harmonies cra-cra et de rythmes nolassounets : Soft Machine.

Mais de quoi s'agit-il ?

Tout est parti de Canterbury (?) au moment où les Beatles et les Rolling Stones commençaient à faire oublier le magma qui les avait précédé, aux jeunes anglais, puis ça devient un peu compliqué, ils étaient plusieurs et ils jouaient de la musique pas comme les autres et qui pourtant, sans aucun doute, était de la musique populaire, enfin, de la Pop Music. il y en avait un qui était tailleur de pierre mais aussi batteur et chanteur, mais surtout musicien, c'était Robert Wyatt. Un autre était philosophe, mais aussi organiste, mais surtout musicien, c'était Michaël Ratledge.

Un autre encore était poète, Australien, guitariste à la fois, mais surtout musicien, c'était Daevid Allen. Il y avait aussi un bassiste, Hugh Hopper qui disparut mystérieusement puisqu'en-suite ce fut Kevin Ayers, surtout des musiciens.



Tout ce joli monde débarqua à Londres et fit entendre des sons pas comme ceux du voisin dans un lieu depuis célèbre, à l'époque privilégié, chevaleresque et hautement romantique qui s'appelait Ufo, pour des raisons qui ne m'ont jamais parues très claires, et que les Français appellent Youfo.

Quelques miracles de plus et un 45 tours au titre impossible : L'Amour Fait De La Jolie Musique « Love iMakes Sweet Music » éparpillait de part le monde le nom : Soft Machine.

Comme c'est de plus en plus compliqué on peut dire que Kevin et Daevid sont allés planter leurs propres fleurs dans leurs propres jardins, que Hugh Hopper a retrouvé sa basse et que la formule Mike + Robert + Hugh = Soft Machine est vérifiée. Ou presque.

Est-il facile de faire de la «Pop Music» ? Demandez-le à la Machine Molle. Elle vous dira que c'est facile d'aimer la musique quand on y croit, de voyager, de manger, de dormir n'importe comment, n'importe où quand on est musicien, un peu moins facile quand le public attend d'un orchestre de danse genre perroquet à tubes, et peut être dans ce curieux métier, il est extrêmement utile d'avoir un peu trop de talent. Et qu'au bout de trois années de voyages de par le monde, de deux disques 30 cm et de beaucoup de mal pour faire connaître ces sons nouveaux, au moment même où tout va bien, la Machine est encore en train de se transformer. Et pourtant si un groupe avait droit au label, à l'appellation contrôlée « Pop Music », c'était bien Soft Machine.

Pas vraiment influencé par qui que ce soit — ou influencé par tout le monde — une musique totalement différente, nouvelle dans le cadre de ce que les Américains continuent avec bon sens à appeler « Rock ». Une musique sortie d'un orgue, d'une basse électrique et d'une batterie.

Mais voilà que la Machine aime aussi le Jazz, se souvient de « Wild Flower », la fleur sauvage, leur premier groupe de Canterbury. Pas pour faire du mauvais Jazz amalgamé à du mauvais Rock. Simplement pour engager quatre des meilleurs « souffleurs » Anglais, quatre jeunes fous qui n'ont pas peur des étiquettes et qui ne pensent pas que le mot « swing » soit une grossièreté.

Mark Charig c'est le flugelhorniste, Elton Dean et Lynne Dobson se partagent les saxophones, Nick Evans garde pour lui un des plus beaux sons de trombone du monde. Et la Machine a changé, la Machine va vous surprendre, vous prendre dans les infinis replis de cette musique toute neuve, de cette musique qui a le plus de chance de devenir la musique tout court. Parce qu'elle reste de la musique qu'on peut écouter sans lire la partition pour comprendre ce qui se passe, mais de la musique qu'on peut écouter toujours pour redécouvrir encore et encore le mystère de la Machine Molle. Soft Machine.


Pierre LATTES


(1) Chez Ubu en tout cas.

       
     
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