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Interviews & articles
     
 Il y connait rien - Charlie Hebdo N° 528 - 24 décembre 1980









L'AUTRE jour, j'ouvre l'album « Third » du groupe Soft Machine. Je m'aperçois que j'y avais inscrit la date et le lieu de l'achat. Gare St-Lazare, le 2/8/70. Ça fait donc dix ans ! Je l'ai ouvert parce qu'en enregistrant des 45t, je venais d'écouter le dernier Robert Wyatt chez Rough Trade. Il vient d'enregistrer « Strange Fruits », une chanson qu'on avait surtout entendue, jusqu'à maintenant, par Billie Hollyday. Les « Strange Fruits » dont parle la chanson sont les Noirs pendus aux arbres dans le Sud des Etats-Unis. C'était un spectacle fréquent au début du siècle. Vous connaissez les problèmes raciaux des Etats-Unis. « Strange Fruits » était une chanson nègre engagée de l'époque. Robert Wyatt se sent l'âme militante, depuis quelque temps. Dans son premier 45t chez Rough Trade, il interprétait en espagnol une chanson de Violetta Para et le fameux « Guantanamera ». Tout ce que fait Wyatt est réussi. Même le « Strangers in the night » qu'il a donné pour le « Miniatures » de Morgan Fischer.

Rappelons que Robert Wyatt est tout d'abord apparu comme batteur des « Soft Machine ». C'était un batteur fin et inventif, au style foisonnant. Soft Machine fut le premier groupe rock à résonance intellectuelle. Autrefois, le rock était le football du mélomane. C'était prolo. Le jazz avait la place du tennis. C'était avant que le tennis se démocratise. L'étudiant écoutait du jazz et l'autre gland du rock. Soft Machine a amené l'étudiant dans le monde du rock. Et s'agissait de rock « progressiste ». Avec un mot comme ça, il adhérait. Et la maison de disques d'étaler les diplômes universitaires de Ratledge (claviers) et des autres sur la pochette du premier disque. Le côté déconneur de Wyatt lui a valu d'être cité comme flirtant avec la pataphysique. Enfin, toute une légende. En tout cas, aujourd'hui, qu'on ressorte ça ou « Rock Bottom », ça tient le coup.






Avec sa période Henry Cow, Dagmar et quelques trucs, il est bon pour un coffret au panthéon de cet univers-là. Dès qu'il va tomber un dernier coup de son fauteuil, ça va sortir. Il fera partie de ceux qui restent.

Oui, parce que, vous le savez, un jour, en faisant le con au bord d'une fenêtre, il est tombé et il s'est esquinté. Je crois qu'il a eu un accident encore après, dans une bagnole. Vous vous rendez compte, un batteur privé de ses jambes ! Foutues à vie. C'était à se pendre. Eh bien, il a remonté la pente. « Rock Bottom », il l'a fait dans cet état. Et, avec Henri Cow, il est même venu au Théâtre des Champs-Elysées. Au lieu de se pendre, il est devenu militant. Il a réussi à se mettre dans la tête qu'il y en avait qui étaient encore plus dans la merde que lui. Je l'admire. Moi, si un jour je me fous sous le train, je laisserai un papier : « Je perdais mes cheveux ». Lennon ne perdait pas ses cheveux. J'ai fait un truc sur les Beatles dans un numéro « Spécial Beatles » édité par « le Matin de Paris ». Il m'ont emballé ça, il faut voir... C'est comme quand je m'égare dans « Actuel » et tout le reste. Je ne sais plus quoi dire, à force. Je sais tellement que ça ne sert à rien. Les gens sont comme ils sont, voilà tout.

En ce moment, j'écoute « Pop Art Poem », un souple des Jam pris dans une revue de teenagers anglaise. J'aime beaucoup les Jam. Surtout grâce à la personnalité de Paul Weller. Il y a peu de temps, à cause de la fermeture du Bataclan, ils n'ont pas pu jouer à Paris. Dommage. Le dernier album est bien. C'est toujours bien, les Jam. Jamais étonnant à la première écoute, mais ça tient le coup. Achetez les albums des Jam.

Berroyer