Volume Two
1969

Soft Machine

   
 


 


ALOHA - N° 50 - van 26 maart tot 9 april 1971

SOFT MACHINE ( CBS S 64280)
ROBERT WYATT
The end of an ear (CBS S 64189)

Hugo Epte


 





De vierde van de Soft Machine is een consequente voortzetting van de derde, al is dit gelukkig geen dubbelelpee. De afdeling toeten en blazen is nog prominenter geworden, er staat een heer op een contrabas te strijken, Ratledge verwisselt het orgel nogal eens voor de jazzpiano en zingen ho maar. De ziekte waar de muziek onder leidt is de bekende hedendaagse vrome Wichtichmacherei die bekend staat onder de benaming Coltrane-syndroom. Het is allemaal al veel eerder en veel beter gedaan, de plaat voegt niets nieuws toe aan de muziek die al bestaat en is dus volslagen overbodig. De volgende keer kunnen de heren zich misschien beperken tot het rondsturen van een briefkaart waarop staat dat het oeuvre van wijlen de tenorsaxofonist John Coltrane - vooral dat deel dat begon met de lp Giant Steps - bij hen zeer in de smaak valt. Iets anders hebben ze toch niet te melden. (Soft Machine : Coltrane = Benny Goodman : Count Basie). De afwezigheid van een Wyatt-feature - het enige onderdeel dat de vorige dubbelelpee genietbaar maakte - hoeft niet betreurd te worden want Vriend Leipmans heeft zijn eigen bedoeninkje op een aparte plaat gezet. Gelukkig maar.
'The end of an ear' is een pretentieuze titel volgens Flesseman. Dag Torn ! Wat dacht je dan van dit dialoogje:
'Ik heb oorpijn, dokter'.
'Doe de kleren maar uit'.
'Maar dokter. Mijn kleren uit?'
'Jazeker juffrouw. Alles uit. Weet u niet dat het oor zich uitstrekt door het hele lichaam?'
En jawel: waar is de grens tussen oor en niet-oor? Het wereldraadsel in handzame vorm, binnen het geestelijk bereik van de gewone man gebracht.
Maar goed. Lennon is adept van het primal-scream wezen, waarvan de kas beheerd wordt door een Californische praatjesmaker. Primal scream ! Het mocht wat, vrome napraterij, voze dikdoenerij. Nee, dan Wyatt - die is in de ban van de KleuterDreun. Een aanzienlijk authentieker aandoende obsessie, omdat iedereen zich de eertijds met overgave ten gehore gebrachte kleuterdreun nog best herinnert.
Tot zover de ideologie en De Boodschap. De muziek is een vreemd ratjetoe: monotoon gebens en gesljoesj en gejammer en daar omheen de geluiden van een dromens papagaaienhuis, losgeslagen Swingle Singers, Jongenstreurigheid om niet plus plezier in geluid - alweer zo'n authentieke muzikantenobsessie. Geluid, omdat het zo gek is, of zo vals, of zo wezenloos of zo mooi. Een betere reden om muziek te maken moet nog steeds uitgevonden worden.
Groot voordeel daarbij is dat Wyatt echt wat van jazz weet en niet alleen naar Coltrane geluisterd heeft. Hoe moet een popjongen anders op het idee komen om de Las Vegas Tango van de Verve-lp 'The individualism of Gil Evans' te gebruiken? Toch ontsnapt hij ook hier aan de afschuwelijke Soft Machine ziekte van het naspelen van grote voorbeelden. Uit het ratjetoe aan zeer uiteenlopende invloeden ontstaat iets eigens, een mooi ijl rokersmuziekje.
We hebben weer wat om naar uit te kijken: de volgende lp van Wyatt.





 
CHARLIE HEBDO - N° 3 - 7 décembre 1970

MECHAMMENT POP

Livingstone (Pierre Lattès)


 


A propos de Kevin, dont le deuxième disque vient de paraître en G.-B., et pour en revenir à cette « famille » ultra-productrice de Soft Machine, Robert Wyatt vient lui aussi de publier un disque, The End of an Ear. Chacun des Soft doit avoir le sien, et le groupe au complet enregistre ces jours-ci chez Olympic son quatrième album. Ce qui vaut le jus dans le disque du célèbre pataphysicien et néanmoins batteur, c'est que personne ne va aimer ça.




Les gars du pop parce que c'est trop compliqué pour leurs petites oreilles, les gens du jazz parce que l'étiquette n'y est pas et que tous les musiciens sont anglais, et que, dieu merci, poil au nez, il n'y a pas encore d'amateurs de cette habomination appelée free-pop, jazz-rock, etc. Alors, qu'est-ce que c'est ton machin ? Comme je n'aurais pas la mauvaise foi insigne de vous dire que ce n'est que de la musique, et fi du reste, disons que c'est du pop extrémiste. C'est si réussi que si qui vous savez avait eu un souple, je suis sûr qu'il aurait attendu un peu pour claboter. Robert joue de la batterie et chante, et fait des tas de choses à un pauvre piano. Si ça parait chez CBS-France avant six mois, je me les coupe (une seule, à la réflexion).




 
BEST - N° 36 - juillet 1971

The End Of An Ear - Robert Wyatt

(Barclay 920.308)

Hervé Muller

 


Ce disque est le complément du L.P. de Soft Machine dont je vous ai parlé le mois dernier, dans la mesure où il est l'expression créatrice de Wyatt lui-même, alors que "Fourth" était celle des trois autres et qu'il n'y avait qu'un rôle de batteur. Une note sur la pochette précise d'ailleurs : "Robert Wyatt, chanteur pop en chomage (actuellement à la batterie avec le Soft Machine)!"

C'est donc nettement différent de "Fourth". A la pureté presque méticuleuse de la musique actuelle des Soft s'oppose, dans la même mesure où s'opposent, en fait, les personnalités de Wyatt et Ratledge, l'aspect beaucoup plus torturé et confus de "End of an Ear". Cela rend le disque plus inégal, mais aussi moins purement formel. C'est aussi dans une large mesure le prolongement du magnifique "Moon in June" de "Third". A cet égard la pièce maîtresse de l'album est constituée par "Las Vegas Tango (part 1)", répartie entre les deux faces et formant un total de plus de vingt trois minutes. Ce morceau est le seul qui ne soit pas signé Wyatt : c'est un thème du pianiste Gil Evans. Et il n'est certes pas peu surprenant de constater que tout au long des quatorze minutes que prend ce morceau sur la seconde face il n'y a pas de batterie ! Robert montre ici pour la première fois ses talents de pianiste et il convainc sans peine. Mais c'est surtout pour lui l'occasion de pousser plus loin encore (large emploi du re-recording) les effets vocaux que lui permette son étonnante voix, autrefois une des caractéristiques principales de la musique des Soft. On a cependant par ailleurs largement l'occasion de retrouver le style de batterie de Wyatt, à la fois le moins orthodoxe et un des plus riches qui soit à l'heure actuelle (cf. par exemple "To Mark Everywhere"). Mais l'utilisation des percussions va bien au-delà de la batterie elle-même : effets acoustiques et électroniques les plus divers sont largement employés (cf. "To Carla, Marsha and Caroline").

Musicalement on est donc tout aussi loin de la pop qu'avec "Fourth". Les références sont essentiellement la musique contemporaine (entre autres Terry Riley, bien sûr) et le jazz moderne. Mais la démarche est en général différente de celle suivie aujourd'hui par les Soft, et rappelle souvent le climat de fusion créatrice de certains enregistrements de free-jazz, plutôt que le self-control quasi absolu pratiqué par Ratledge et Hopper. L'aspect spontané de la musique a pour corollaire son côté extraverti : la plupart des titres sont dédiés à des amis dont certains sont des membres notoires de la "famille Soft" : Daevid Allen et Gilly Smyth, Bridget Saint-John (folk-singer mais aussi collaboratrice éventuelle de Kevin Ayers), "Mark" (probablement Mark Ellidge, son demi-frère, qui joue du piano sur le disque), "Nick" (Evans ?), Caravan et "brother Jim" (également désigné ainsi sur les disques de Caravan : il s'agit du frère de leur guitariste Pye, Jim Hastings, saxophoniste présent également sur "Third" et "Fourth"). "Au vieux monde" aussi ! Les amis, on les retrouve aussi parmi les musiciens : David Sinclair (organiste de Caravan), Cyrille Ayers (femme de Kevin). Et puis Elton Dean, remarquable comme toujours et très bien secondé par Mark Charig (cornet). "The End of an Ear" représente ainsi une autre facette de ce que l'on sera peut-être bientôt obligé d'appeler la "musique Soft", courant de plus en plus discernable de tout autre étiquette, pop ou jazz, et uni par une parenté profonde et toujours sensible, au-delà de divergences parfois considérables dans la forme comme dans l'esprit, des Soft eux-mêmes jusqu'à Caravan en passant par Gong.